Dans la gestion des affaires de l’Etat comme en termes de posture personnelle, Amadou Ba dispose d’atouts à faire valoir. Mais il traîne beaucoup de faiblesses liées à son poids électoral, son envergure locale, le passif du régime et les risques d’implosion et de trahison au sein de Benno.

Macky Sall a finalement porté son choix sur Amadou Ba pour être le candidat de Benno bokk yaakaar à la présidentielle du 24 février 2024. La révélation a été faite samedi dernier, lors d’une réunion de la coalition au Palais, devenu QG de la majorité en l’espace d’un après-midi. Le premier ministre devance ainsi ses concurrents Abdoulaye Daouda Diallo, Mahammed Boun Abdallah Dionne, ancien Pm et Aly Ngouille Ndiaye qui a d’ailleurs démissionné du gouvernement où il était ministre de l’agriculture.

En matière de responsabilité étatique, Amadou Ba a tout pour être le candidat idéal de Benno. Premier ministre, ministre des affaires étrangères, ministre de l’Economie et des Finances…ex-patron de la DGID, il est au cœur de l’Etat depuis plus de 20 ans.

Avec le poste stratégique de ministre des Finances, Amadou Ba s’est fait un réseau de soutiens dans les différents segments de la société. Le ministère des Affaires étrangères a été aussi une occasion pour lui de se faire un carnet d’adresses à l’international.

Sur le plan politique, Amadou Ba jouit d’une certaine expérience. En effet, contrairement à une croyance assez répandue à son sujet, il a été militant actif au parti socialiste. Dans les années 90, il a eu l’expérience des batailles de positionnement à l’Union locale des Parcelles Assainies. Le jeune cadre de l’époque, porté sur les épaules de Diop le maire, a fait face à des ténors comme Tété Diédhiou (voire portrait).

Au sein de Benno, Amadou a l’avantage d’être moins clivant. L’homme est respecté, il est rarement dans la polémique politicienne, y compris avec les farouches opposants du régime. Très posé, assez courtois, il a un discours mesuré.

Réputé riche, il est aussi un homme des médias. En effet, il est très rare de voir des articles critiques sur lui dans la presse locale. Il suffit juste de voir le nombre de Unes positives dont il a bénéficié lors de la longue attente du candidat de Benno. C’est même un euphémisme que de dire qu’il a bénéficié d’une campagne de la part d’une certaine presse, avec des mots souvent dithyrambiques.

Cependant, Amadou Ba traine pas mal de faiblesses pour devenir le 5ème président de la République. D’abord, malgré tout le bruit, il n’a pas encore justifié son poids électoral. En 2014 comme en 2022, Amadou Ba ne s’est pas présenté comme candidat à la mairie des Parcelles Assainies. Il n’a pas pris le risque pris par Sonko par exemple à Ziguinchor. Aux locales comme aux législatives de 2022, il était actif dans la coalition, ce qui n’a pas empêché les défaites.

Pour lui trouver une excuse, Madiambal Diagne, la plume du président Sall, soutient que quand Amadou Ba a été tête de liste aux législatives de 2017, Benno est sorti vainqueur. Mais il faut rappeler également qu’au lieu d’aller sur la liste départementale à Dakar aux dernières législatives, Amadou Ba s’était exilé à la deuxième position sur la liste nationale, derrière Mimi Touré. Ainsi, jusqu’ici, c’est l’envergure étatique et médiatique qui lui attribue une force politique non encore prouvée.

En outre, Amadou Ba devra aussi apprendre à être un leader national. A ce jour, en effet, il reste un responsable local. Il n’est pas évident que le Sénégal des profondeurs le connaisse. Le poste de PM pouvait être une belle occasion, mais il n’a pas duré. Il a donc un gros travail à faire dans ce sens. Et il est d’autant plus en retard qu’on est à moins de 6 mois de la présidentielle. Ces adversaires sont sur le terrain depuis belle lurette.

Cette faiblesse peut toutefois être relativisée. En effet, Macky Sall garde encore un capital crédit qu’il peut mettre à son compte en étant son directeur de campagne officieux. Ensuite, Benno a des leaders confirmés dans les différents départements voire communes rurales du pays. Il y a donc un appareil sur lequel il peut s’appuyer pour refaire son retard.

Mais là aussi, il y a un énorme piège devant lui. A la suite de la défaite de Benno à Dakar aux Locales de 2022, la tête de liste Abdoulaye Diouf Sarr a accusé Amadou Ba et d’autres comme Mame Mbaye Niang d’avoir saboté sa campagne. Dans certaines localités, des leaders ont travaillé pour la défaite du candidat désigné par le parti.

Ce scénario est encore plus plausible dans un contexte où Macky Sall n’a plus le même contrôle sur le parti et la coalition. Ainsi, au-delà même de maintenir les troupes au sein de la coalition, il y a le risque de se faire trahir par certains qui, publiquement, ont pourtant juré fidélité.

Dernière faiblesse et pas des moindres, Amadou est le candidat de Benno et de Macky Sall. Il traîne donc tout le passif de la gestion du régime, notamment en termes de mauvaise gestion des fonds publics mais aussi de la restriction des libertés publiques, et surtout de la manipulation de la justice à des fins électoralistes.

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