L’Afrique de l’Ouest a une tradition universitaire multiséculaire. Dès 1325, à Sankoré dans la région de Tombouctou, des groupes d’intellectuels sont formés et les enseignements de ces pionniers ont survécu aux agressions multiformes comme l’historique incendie de l’Université de Pire au Sénégal. À travers le monde, les creusets du savoir ont souvent su renaître de leurs cendres en faisant preuve d’intelligence et de résilience : cette capacité de dépassement à trouver des solutions et réponses adaptées à des problèmes et besoins nouveaux. Le tour est venu pour notre université de devoir se relever après avoir subi la furie d’individus innommables qui ont agi au mépris du savoir, du savoir être et du savoir-vivre qui sont l’essence de notre conscience. Et nous en sortirons grandis si nous acceptons de « réfléchir autrement ». Il faut d’abord s’accorder sur les principes : nos écoles, instituts ou facultés ont vocation à former une élite à l’acquisition de connaissances de très haut niveau. Cette mission s’organise autour de la transmission, la signalisation et la sauvegarde d’un savoir universel et dynamique dispensé dans les amphithéâtres et stocké dans les centres de ressources et autres bibliothèques.

Elle impose également de compléter et vérifier les leçons par la méthode de l’expérimentation. Les travaux dirigés et pratiques, les stages (TD et TP) en sont les expressions, variées selon la matière enseignée. Ils sont aussi des moments privilégiés d’évaluation des acquisitions. Au demeurant, le regroupement des unités d’enseignement dans un espace cohérent localisé nommé « Université de …. » est une forme d’organisation bien plus qu’une contrainte de la mission. Il faudrait, dès lors, s’interroger à l’aune de l’épreuve des faits qui, en l’espèce, sont particulièrement alarmants. Énumérons-les sans commentaire : 100 000 étudiants orientés à l’Université Cheikh Anta Diop ; un calendrier des enseignements continuellement perturbé ; un campus social surpeuplé qui peine à servir ses 95 000 repas par jour, avec son une insécurité flagrante associée à la permanente intrusion dans son espace de non universitaires et une infrastructure qui a autant besoin de milliards de francs que de temps pour retrouver ses capacités d’hébergement. Dans la transmission et la réception des connaissances, la situation a complètement changé et exige de nouveaux comportements. Les paradigmes ont changé et l’analyse du réel doit en tenir compte. S’il est encore question de former « une élite de très haut niveau », le modèle pédagogique et organisationnel a visiblement atteint ses limites.

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