« La malédiction du pétrole n’est pas un souhait mais un concept économique », s’est empressé de corriger Dr Khadim Bamba Diagne. L’enseignant-chercheur en sciences économiques, qui co-animait un panel conjointement organisé par la Fondation Konrad Adenauer et le Think Tank citoyen de l’Afrique de l’ouest Wathi ce jeudi 11 mai 2023, est longuement revenu sur les enjeux de l’exploitation prochaine des ressources pétro-gazières au Sénégal. Au moment où les barils de pétrole et pied cube de gaz font saliver, l’économiste alerte sur les risques de voir les attentes doucher dès le départ. « Attention à la malédiction du pétrole », prévient-il.

« A chaque fois, l’État nous dit pourquoi parler de malédiction du pétrole, il faut parler de bénédiction du pétrole. La malédiction du pétrole est un concept économique. Cela signifie quoi ? Si l’exploitation du pétrole crée un écosystème qui attire toutes les entreprises dans ce secteur, alors si le prix du pétrole chute, l’économie chute », explique-t-il. A l’instar des grandes économies pétrolières, le Sénégal devrait, selon lui, mettre en place « des stratégies pour contrebalancer les revenus du pétrole ».

« C’est ce qu’a fait Dubaï, argumente Diagne. Aujourd’hui on parle de Emirates qui fait partie des plus grandes compagnies aériennes du monde. Il y a aussi Dubaï Port World. C’est-à-dire quels que soient maintenant les effets du pétrole cela n’impactera pas l’économie Dubaïote. Chez nous même le président sort pour dire qu’il faut éviter de parler de malédiction du pétrole. Cela veut dire que même les concepts les plus élémentaires on les ignore ».

Perte de 1500 milliards CFA de parts de marché

Ses craintes sont légitimées par le très timide engagement des entreprises sénégalaises dans la prise en charge du contenu local, même si certaines comme la Cse et ses partenaires s’y sont lancés à travers notamment leur nouvelle filiale Ecsen oil and Gas. Un triste constat que le l’activiste et psycho-sociologue, Elimane Haby Kane caricature en ces termes : « le contenu local est un contenant sans contenu ».

En effet, d’après Dr Diagne, le Sénégal risque de perdre 1500 milliards de francs CFA de parts de marchés qui vont profiter à des entreprises étrangères faute d’expertise locale. Il déplore le fait que les entreprises locales rechignent à se préparer en conséquence pour capter plus de parts de marché en boostant leur compétitivité.

« Nous allons continuer à nous endetter

D’après Dr Khadim Bamba, ceux qui espèrent voir les recettes issues de l’exploitation pétro-gazière éponger les dettes du Sénégal devront s’armer de patience. Ceci, parce que le niveau d’endettement actuel est extrême. « L’exploitation petro-gazière ne nous permettra pas de solder notre dette de sitôt. On est à 14 000 milliards de Francs Cfa de dette, soit à 75% du PIB. Le service de la dette cette année c’est 1600 milliards sur un budget de 6000 milliards.

On va continuer à s’endetter », tranche-t-il sec
L’explication est toute simple, à l’en croire. « Je ne pense pas que les 32, les 53, les 27 milliards de francs CFA qu’on va gagner de l’exploitation vont impacter sur le remboursement de la dette. Nous allons continuer à traverser des moments difficiles », estime-t-il.

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