Ces deux motions ont été déposées lundi dans la foulée du déclenchement par le Premier ministre de l’article 49.3 de la Constitution, pour faire adopter, sans vote, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

La gauche reproche au gouvernement de poursuivre une politique « sanctionnée dans les urnes », et l’extrême droite de porter un projet de budget « dangereux, injuste et punitif ».

Perte de repères

Mardi, les responsables de l’exécutif et de la coalition gouvernementale ont voulu écarter l’inéluctabilité de ce scénario, en appelant à la « responsabilité » des députés.

Depuis Riyad, Emmanuel Macron a dit ne « pas croire au vote de la censure », pointant un « cynisme insoutenable » du RN s’il joignait ses voix à celles du NFP qui vilipende les lepénistes dans sa motion, et du côté du PS une « perte de repères complets » pour ce « parti de gouvernement ».

Michel Barnier a lui souligné sur TF1 et France2, que chaque député avait « une part de responsabilité », espérant que prévale « l’intérêt supérieur du pays ».

Si Macron a appelé à « ne pas faire peur aux gens » en évoquant un risque de crise financière,  Barnier a lui dramatisé l’enjeu, répétant que la censure rendrait « tout plus difficile et plus grave », alors que les signaux sont déjà selon lui au rouge sur les plans budgétaires, financiers, économiques et sociaux.

Attendu à 6,1% du PIB en 2024, bien plus que les 4,4% prévus à l’automne 2023, le déficit public raterait son objectif de 5% en l’absence de budget, et l’incertitude politique pèserait sur le coût de la dette et de la croissance.

Après avoir cédé à Marine Le Pen sur le déremboursement des médicaments, Barnier s’est refusé à toute nouvelle concession, estimant que la cheffe de file du RN était entrée « dans une sorte de surenchère ».

Déconnexion totale

Celle-ci a rapidement répliqué : « le Premier ministre ne pouvait qu’échouer » en « inscrivant son budget dans la continuité catastrophique d’Emmanuel Macron ».

Le député Arthur Delaporte (PS) a accusé les deux têtes de l’exécutif de souffrir d’une « déconnexion totale » avec « le pays qui veut la censure ».

Et, si personne dans la majorité n’évoque en public l’après Barnier, les stratégies s’activent déjà en coulisses.

Le président d’un groupe parlementaire propose de nouer un accord de « non censure » avec le PS pour échapper à la tutelle du RN, tandis que les noms du président du MoDem François Bayrou, du ministre des Armées Sébastien Lecornu (Renaissance) ou du président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand (LR), est à nouveau évoqué pour entrer à Matignon. Barnier a pour sa part écarté la possibilité d’y être renommé.

LR pourrait de son côté reprendre sa liberté : son chef de file Laurent Wauquiez a mis la pression dès mardi, soulignant que l’engagement de son parti avec la coalition gouvernementale en septembre « ne valait que pour Michel Barnier ».

Beaucoup, à l’instar de la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet, plaident en tout cas pour une solution rapide, qui permette de mener à bien au moins en partie les textes budgétaires avant la date butoir du 31 décembre.

A défaut, les députés devront voter une « loi spéciale » qui permette la continuité du fonctionnement de l’Etat.

A gauche, le PS a mis sur la table l’hypothèse d’un « Premier ministre de gauche qui dirige un gouvernement de gauche ouvert au compromis », que le socle commun s’engagerait à ne pas censurer. Les Écologistes vont proposer une feuille de route « à tous les parlementaires », tandis que LFI continue de demander la nomination de la haute fonctionnaire Lucie Castets.

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