Dans une «Enquête» sur les pratiques mystiques visant les magistrats, pour faire pencher la balance de la justice, L’Observateur a donné la parole à des témoins directs ou indirects. Voici le témoignage d’un magistrat en service dans la capitale du Nord.

Tribunal de Guédiawaye. Le clerc d’un cabinet d’avocat fait irruption dans le bureau d’un jeune juge nommé P. F. Il suggère à ce dernier de se préparer mystiquement avant de rejoindre la salle d’audience pour une affaire soumise à son tribunal.

Surpris par cette sombre mise en garde, il en demande la raison. Le clerc lui révèle avoir surpris un parent de détenu, arrêté pour trafic de chanvre, en train de demander à un démarcheur les noms de ses parents. Interloqué, le magistrat vérifie l’information auprès du démarcheur en question. Ce dernier confirme.

«Il nous arrive très souvent de remarquer que le prévenu qu’on est en train de juger, récite des versets ou nous pointe son doigt. Certains collègues n’hésitent pas à les sommer d’arrêter de faire des incantations», rapporte P. F.

Ce dernier se souvient : «L’un d’eux [ses collègues] m’avait raconté que durant une session de la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Kaolack, un accusé inculpé de meurtre refusait de porter une chaussure à son pied gauche. Recadré à plusieurs reprises par les juges, il leur a enfin révélé que son marabout lui a conseillé d’enlever sa chaussure. Pour le mettre à l’aise, on lui a permis cette faveur.»

Mais la manœuvre mystique n’a pas fonctionné pour le prévenu. Le juge P. F. : «Malheureusement pour lui, il a été déclaré coupable et condamné à sept ans de réclusion criminelle. Juste pour dire que cette forte conviction mystique de certains justiciables ne repose sur rien de solide.»

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